Il fait un froid de 5 ou 6 « bérie » aurait dit mon beau-père! Nous avons la chance de travailler au chaud à l’intérieur. Nous en profitons pour nous concentrer dans ce calme qui nous enveloppe. J’aime à penser que le bonheur se trouve dans les petites choses ordinaires du quotidien. Je crois aussi que le travail le plus simple demeure le plus efficace sur le long terme.
Il existe une course effrenée pour le podium des pédagogies. On cherche souvent à innover, à amuser, à rendre ludique notre approche en enseignement, en croyant qu’ainsi intéressés, les enfants apprendront mieux. Plus le temps passe, plus je me rends compte que la routine tranquille fait plus pour la solidité des apprentissages que l’activité effervescente à paillettes.
Hier, ma plus jeune travaillait sur un texte de Gulliver de Jonathan Swift. Dans l’un des exercices, il lui était demandé de faire cinq propositions à partir de l’extrait du récit , en commençant la phrase par « Gulliver… ». Ainsi, par exemple, en se référant au texte, elle pouvait écrire: « Gulliver se réveille sur la plage », « Gulliver est attaché par des liens »etc. Pour être honnête c’était à la limite d’être « barbant » pour elle. Et je constate que dans ce contexte très cadré, elle a écrit ses cinq propositions sans faute d’orthographe.
Dans l’exercice suivant, il lui était demandé d’écrire cinq phrases qui contiennent chacune deux propositions. L’exercice ne portait plus sur le texte lui-même et seul le premier terme de la phrase lui était « imposé ». Il n’en fallait pas plus pour que son esprit débordant s’enflamme et qu’elle se mette à pondre des phrases autour d’un récit rigolo! Ainsi, la boulangère mangea tous ses gâteaux et fit un gros rot. Les clients eurent peur et s’en allèrent en dehors de la boulangerie. La poule arrêta de pondre des oeufs pour la boulangère et s’enfuit. Le fermier arriva avec sa hache et chercha sa poule. La baleine qui avait vu l’avis de recherche, hébergea la poule.
Le texte qui a fortement amusé ma fille était par ailleurs rempli de fautes d’orthographe! C’est normal car dans ce contexte, son imagination le disputait à sa concentration sur l’exactitude de l’orthographe. Bien souvent, un enfant qui ne maîtrise pas encore tout à fait l’orthographe, ne peut exécuter plusieurs tâches à la fois. Est-ce qu’il faut en conclure qu’à présent ma fille ne fera plus que des exercices qui l’ennuient? Bien sûr que non! Ce serait dommage de passer à côté de tels petits récits qui sont le sel de nos petits travaux!
Cela me permet cependant de constater l’importance de savoir réserver des plages de travail dans « l’ennui ». On a vite fait de vouloir bannir l’ennui de l’enfance. « Il s’ennuie en classe » est presqu’un mantra qu’on entend partout autour de nous. Il est vrai que devant l’indigence des programmes scolaires, un enfant qui maîtrise bien, aura vite fait de trouver le temps long car il manquera de défis. Mais même lorsque le niveau présente à l’enfant des défis, celui-ci peut s’ennuyer. C’est ennuyant d’apprendre les tables de multiplication par coeur. Pourtant quel outil merveilleux pour aller plus vite et plus loin en mathématiques. Quel ennui ces règles de grammaire et ces conjugaisons! Mais quel sésame pour entrer dans une communication plus fluide et mieux exprimer ses pensées!
Ainsi, l’ennui est un précieux allié pour mieux travailler des notions qui exigent de la concentration, ou pour développer des automatismes qui facilitent les apprentissages.
La règle d’or en enseignement repose sur la même sagesse qu’en alimentation: n’abuser de rien, et prendre de tout en portion raisonnable…
Je partage sur Facebook en espérant que seront nombreux les collègues PE qui vous liront.
Merci pour votre commentaire toujours encourageant à lire!
Bonjour.
J’aime cet article et il fait écho à un constat que j’ai aussi pu faire. Je ne suis pas en IEF, mais nous vivons à l’étranger, mes enfants sont scolarisés dans des écoles locales et je me charge de leur apprendre le français. J’ai d’abord pensé « ludique » pour ne pas leur imposer plus de travail et … ils s’amusaient, c’est vrai (on utilisait la tablette, l’ordinateur, des jeux imprimés, des textes d’imagination etc..) ils « n’imprimaient » pour ainsi dire rien… Du coup, j’ai changé mon fusil d’épaule, je suis revenu à du plus classique et les progrès sont visibles à l’oeil nu! Bien sûr, on continue de s’amuser en français, mais pas que…
Merci pour le temps que vous prenez à écrire vos réflexions souvent très inspirantes et vos démarches, vos réalisations… j’aime vous lire !
Vous avez raison, cela dépasse largement le contexte de l’IEF. Cela touche à l’apprentissage même. Merci pour votre gentil mot!
Bonjour je souhaiterais recevoir les articles
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La force de l’ennui…. Celle-là même dont on se plein tant durant notre jeunesse…. Et pourtant à l’aube de la solitude une porte sur nous même vers le long chemin de la spiritualité… Quand l’ennemie devient amie … Et que l’ennui ainsi prise pour amie devient calme et réconfort pour les adultes que nous sommes !
Comme c’est bien dit! Et tout à fait cela! Les enfants n’aiment pas l’ennui. Elle est si contraire à leur nature. Mais effectivement, au fil du temps, nous l’apprivoisons et ne vaut-il pas mieux de l’avoir côtoyée depuis la jeunesse? Tant qu’elle n’envahit pas la totalité du temps en classe, évidemment!