
Simon Glücklich
Je viens de terminer de faire du tri, du ménage, du rangement dans mon grenier et dans ma classe. J’ouvre des caisses et j’ai le vertige… Je tombe sur des souvenirs qui doivent avoir plus de quinze ans, plus de vingt ans et la marque dans ma mémoire est pourtant si fraîche. Je me rappelle avec tellement d’acuité tel exercice, tel poème, tel dessin fait par l’un ou l’autre de mes enfants… On aurait dit que c’était littéralement hier! Et, c’est là que le tournis me prend devant l’impitoyabilité du temps qui passe. Car le temps est insaisissable. Il se dérobe à nous et poursuit sa course! Tout ce que nous détenons de lui ne sont que quelques papiers-souvenirs, quelques objets qui témoignent que les faits ont bien eu lieu! Nous avons par ailleurs la chance fabuleuse de saisir furtivement le présent chaque jour de notre vie!
Je réalise que les bonheurs que j’ai gardés de l’enfance de mes grands se trouvent scellés dans les petits riens, dans la plus grande banalité du quotidien, si insignifiant, qui était le nôtre. Je chéris encore en mémoire avec délice les journées où nous étions tous blottis sur le canapé pour lire ensemble, ou ces heures de classe très ordinaires où il s’agissait de faire des exercices scolaires. Ou encore, ces projets dans lesquels nous étions tous absorbés jusqu’au plus petit qui venait y faire un gribouillis.
Je me souviens encore d’une soirée dont tous les membres présents ne peuvent avoir oubliée : nous avions revêtu des pseudos peaux, avions éteint la lumière, mis une grande feuille de papier kraft sur le mur, allumé des bougies et mangé par terre. Nous avions pris des fusains et des sanguines et avions reproduit les dessins de Lascaut. Cela faisait suite à une lecture familiale qui avait fasciné petits et grands, chez Castor poche junior, Le mystère des grottes oubliées. Rien d’extraordinaire, rien d’onéreux… seulement un temps pris ensemble. Un temps enrichi par le fait que nous l’ayons saisi pour le vivre en partage!
Je me rappelle aussi cette expérience où mon mari nous avait tous emmenés dans un placard (trois jeunes enfants à l’époque!) et muni d’une pince et de carrés de sucre, il voulait démontrer aux enfants la luminescence du sucre écrasé: une infime fraction de seconde nous percevions un éclat de lumière dans le noir. L’éclat de lumière était si furtif qu’il n’est pas sûr que les enfants l’aient aperçu (malgré les « oui, je l’ai vue »). Mais, chose certaine, les petites mains s’étaient précipitées pour attraper les grains de sucre et les avaler! Un bonheur goulu inoubliable et pourtant si dérisoire…
Des souvenirs, des souvenirs et des souvenirs dans tous ces cahiers, ces papiers, ces photos. J’en ai fait beaucoup de choses finalement avec eux! Et dire que j’ai passé parfois du temps à m’en faire en pensant que je n’en faisais pas assez!
Le quotidien est là, avec son temps qui nous accompagne à ce moment précis. Hier ,j’attendais au conservatoire avec ma plus jeune. Elle avait oublié sa lecture. J’avais bien envie de me plonger dans la mienne! Pourtant, j’ai plutôt pris un crayon, un papier et nous avons passé un temps de petit bonheur dérisoire à jouer au pendu! Gratuit, banal! Pourtant, ce temps partagé qui ne restera peut-être pas dans nos mémoires laissera en nous un diffus effet de bien-être. Plutôt que de perdre notre temps à nous isoler chacune de notre côté, nous l’avons partagé.
L’école-maison n’a pas vocation à être un parcours constamment rempli d’activités extraordinaires. Cela ne rendra pas nos souvenirs plus heureux! Et il n’est même pas sûr que cela ajoutera au développement de nos enfants si tant est… Mais ce qui laissera une marque indélébile se trouve dans nos petites routines, le petit travail répété, les moments que nous avons également saisis à partager.
La richesse de ce que nous avons à offrir à nos enfants ne tient pas dans le matériel. Nous n’avons pas besoin d’un petit lutrin en bois très tendance sur la table de travail de nos enfants et de carnets ultra chers pour enrichir leur univers. Si nous les possédons, tant mieux. Sinon, ce n’est absolument pas essentiel! Un coin de table, un vieux pupitre, de quoi écrire et dessiner feront largement l’affaire. Ce qui ne peut se substituer, c’est notre temps consacré. Notre attention à eux, notre présence, notre capacité à saisir l’instant et à l’enrichir de vécu voilà où se terrent les petits bonheurs…
Très beau et tellement vrai.
Bonne journée ensoleillée
Merci et bonne journée à vous aussi! 🙂
Mes enfants sont encore tous petits, mais oui on sent déjà le temps qui passe à toute vitesse. Je ne sais plus qui disait qu’avec les enfants certains jours semblent durer des années, mais les années passent plus vite qu’une journée.
« avec les enfants certains jours semblent durer des années, mais les années passent plus vite qu’une journée. » C’est exactement cela! Et il faut en profiter sans regret! 🙂
Quel beau texte si juste! Merci. Ça fait du bien ce matin après une troisième nuit sans vraiment de sommeil à soigner bébé.
Merci Katherine. Ah! les fameuses nuits! Chaque étape est si riche ❤ Ma plus jeune a neuf ans! Et je me délecte encore de tous ces moment bénis d'hier et d'aujourd'hui! On a une chance inouï de croiser la route de nos enfants!
Ce que tu écris est si juste…et si bien écrit. c’est un tel plaisir de te lire!