En cette période de l’année, la nostalgie est palpable. Et nous plongeons – pour la plupart d‘entre nous – dans les petits rites qui nous rassemblent autour d’un thé de Noël pour les uns, un chocolat chaud pour d’autres quand ce n’est pas du vin chaud aux épices pour certains. Nous pensons aux Noëls d’antan, à nos Noëls d’enfant ou à celui de nos enfants devenus grands! Parfois, au fond d’un carton de décorations de Noël, nous retrouvons cette vieille boule en verre aux couleurs ternies qu’on garde miraculeusement d’année en année et qu’on avait oubliée. On n’en produit plus de ce modèle, elles étaient si cassantes. Pourtant, combien étaient-elles jolies!
Dans les cartons oubliés, on pourrait y retrouver également certaines vertus qui traînent au fond, notamment l’humilité. Sans doute l’associe-t-on à tort à l’humiliation qui tire son origine du même mot latin « humilis » de « humus » terre. A un suffixe près, c’est le même mot. Mais voilà, le suffixe change tout puisque l’un marque son appartenance à la terre tandis que l’action de l’autre ramène la personne au niveau du sol, plus bas que terre .
Au fil des décennies, cette vertu si plébiscitée autrefois s’est retrouvée gênante dans ce monde nouveau où surgissait l’exaltation du moi. Au départ, c’était très bien puisqu’on mettait de l’avant l’importance de l’estime de soi chez l’enfant après des siècles d’auto-culpabilisation. Et, l’humilité, à travers tout ce courant nous est apparue fort inutile car à quoi bon prêcher l’humilité à des enfants qui seraient si bien dans leurs pompes qu’ils n’auraient pas besoin d’écraser l’autre pour se faire mousser. Chacun aurait sa place…
Mais, on ne savait pas trop au juste comment s’y prendre avec l’estime de soi. D’office, c’était la faute des parents et des professeurs qui « brimaient » les enfants à coup de mots maladroits… Alors, il ne fallait plus dire les mots qui fâchent afin de s’assurer que chaque petit puisse grandir sainement. Et pour bien marquer le coup on s’est mis à les encenser à tout propos. Il leur suffisait de résoudre un bête calcul tel que 2+2 sur Adibou pour qu’une voix leur scande « Wow! tu es un génie! »
Dans le même temps, il a fallu que l’adulte se fasse moins imposants. On en est venu à convaincre tout un courant pédagogique que les professeurs au contact des enfants avaient tout à apprendre d’eux… L’enfant devenait auto-apprenant. Il n’avait plus besoin de recevoir, il savait déjà ou avait toutes les clefs en main pour apprendre quand il le souhaitait. Avec l’entrée massive des écrans, l’enfant a vite fait de les préférer à tout autre intervenant qu’il soit parent ou professeur.
Nous assistons aujourd’hui à des classes remplis d’enfants qui non seulement ne veulent pas apprendre mais ne le désirent même plus… Ils ne veulent pas recevoir de l’autre , puisqu’ils deviennent souvent « suffisants »… On a cru que l’enfant qui décidait pour lui-même dès le départ ferait un décideur pour demain. Or, on se rend compte maintenant que ces enfants sont surtout devenus des « refuseurs » …
Pour inverser la trajectoire peut-être est-il temps de renouer avec l’une des plus douces et bienfaitrices vertus: l’humilité! Le mot vertu du latin « virtus » désigne l’énergie morale, la force. L’humilité n’est donc pas une invitation à la faiblesse de l’être. Peut-être nous faut-il la mettre de l’avant dans l’éducation et ainsi inciter l’enfant à s’ouvrir aux autres, afin d’accepter de recevoir pour ensuite donner à son tour. Car la transmission est cet ultime trace d’humanité qui permet de briser l’enfermement sur soi. L’humilité, cette vertu qui permet de réaliser que nous appartenons à la même terre et qui nous invite à regarder vers le haut avec les autres en nous rendant plus humains…
Merci pour ce joli rappel en ces jours où Dieu se fait humblement le plus petit.
Joyeux Noël à toi et ta famille !
Merci et bonne année qui vient!
« Nous assistons aujourd’hui à des classes remplis d’enfants qui non seulement ne veulent pas apprendre mais ne le désirent même plus… Ils ne veulent pas recevoir de l’autre , puisqu’ils deviennent souvent « suffisants »… »
Voilà, c’est tout à fait ça : ils sont « suffisants »… et pompeux… et imbus d’eux-mêmes… Et ils s’écrouleront parfois comme un simple château de cartes quand ils réaliseront qu’ils ne sont pas le nombril du monde…
Joyeuses fêtes néanmoins !
Quel sombre tableau vous peignez là… C est violent et réducteur, et très inquiétant venant d’ une enseignante.
?
Je n’exerce pas en classe. Je suis entourée d’enseignants qui aiment leur métier et ce tableau résonne en écho avec le portrait qu’ils dressent… Il existe heureusement parmi les élèves, des élèves qui aiment encore apprendre… Mais beaucoup ont démissionné…
C’est juste réaliste malheureusement…
Merci, à vous aussi!
Merci pour cette belle façon de définir l’humilité… Je partage le même regard sur l’évolution des valeurs dans notre société…
Bonnes fêtes auprès de votre famille!
Merci! J’espère que vous aurez passé de belles fêtes également 🙂
Merci de ce beau texte si juste. J’ai eu l’impression d’entendre l’un de mes frères qui encense sa fille de 6 ans pour tout et n’importe quoi: le » je suis fier de toi » n’a plus de sens puisqu’il le répète tout le temps. Je crois qu’il faut remarquer les efforts et les réussites mais pas tout le temps.
Heureusement il reste encore beaucoup d’adultes avec du bon sens qui arrivent à redresser la barre. Bonnes fêtes à toute la famille.
J’espère que ces fêtes furent réussies chez vous aussi! Cet exemple est tout à fait à propos: quand c’est pour tout et pour rien, on dévalue la a nature du « je suis fier de toi ». Et l’enfant n’est pas bête, il réalise alors que la barre n’est pas très haute…
J’ai tendance aussi à dire trop souvent « bravo », mauvaise habitude dont je peine à me détacher. Mais je partage complètement ce point de vue. Merci!
C’est une tendance très ancrée. Je pense que lorsqu’on sent que l’effort ou le résultat mérite ce « bravo » il s’avère bienfaiteur. L’enfant a besoin d’encouragement. Mais quand on le dit, alors qu’on juge le contraire (et cela nous arrive tous!), là, ce bravo est nuisible. L’enfant a besoin, je pense, de trouver en face de lui, un adulte capable d’évaluer son travail afin qu’il sache ce qu’il doit améliorer. Ce n’est pas toujours facile de pointer les maladresses surtout quand il s’agit d’un texte de composition ou d’un schéma . Je pense qu’en mettant les formes, on peut aider l’enfant à progresser en l’habituant à entendre ce qu’il peut faire pour améliorer son travail. Chez les guides, une de mes filles, qui est devenue chef d’équipe, a reçu ce conseil des cadres du mouvement: quand on doit adresser un « reproche », il est bon de l’entourer de deux encouragements: ainsi on pointe d’abord ce qui nous plait du texte (par exemple), ensuite on mentionne l’amélioration à apporter, puis on termine sur une note positive.Je trouve que cela fonctionne plutôt bien!
Oui! Très bonne idée.