Dans la famille Carré la mère appelle la fille. Dans le jeu des sept familles il y a Maman Carré, Papa Carré, grande sœur Carré… et on cherche en vain la petite sœur Carré. Mais, il n’y en a pas. La petite sœur est ronde! Un esprit délicieusement rond! Et la maman me dit que ça ne va pas, il faut être carré dans cette famille! « Il faut transformer la petite et lui donner une tête qui pense de manière carrée…(sic) »dit la maman.
La petite de huit ans, CE2, comprend visiblement tout. La mère me présente ses travaux. Elle déplore que dans l’action la petite écrive: « Les rivières coules vers la mer ». Quand on pose la question à la petite, elle dit aussitôt: « Je sais, il faut « nt » à la place. » Elle orthographie le verbe « vendre » à la 3 personne du singulier (vend) vent: « Parce que j’ai pensé au mot vente« . La petite est très logique. Elle comprend très bien et s’exprime dans un français extraordinairement riche! Elle lit beaucoup, préfère le jeu aux devoirs. Elle souffre visiblement d’un handicap d’apprentissage : l’enfance! Elle a certes besoin de consolider les bases régulièrement: mais c’est une enfant normale quoi!
La maman sort le cahier de géométrie et me prévient que la petite n’est absolument pas soignée. Je regarde médusée l’écriture de l’enfant. Je me demande si ce n’est pas la maman qui a écrit tant l’écriture est bien formée… Non, c’est la petite… Et là, catastrophe, il y a un carré mal tracé! La petite n’a pas suivi les carreaux des rayures de Séyès. Il est plutôt de guingois ce carré. Les lignes sont de traviole! Sacrilège dans la famille Carré: les carrés se doivent d’être précis! A la mère qui s’insurge, la petite justifie: « Mais la maîtresse dit qu’il ne faut pas s’aider des lignes… -Oui, mais cela s’applique lorsque tu as une feuille blanche. Avec une feuille à carreaux, on suit les carreaux… »
Ce récit est authentique. Loin de moi de prêcher le laisser faire et l’absence d’outils pour accompagner les enfants. Mais cette scène de vie à laquelle j’ai assisté m’a franchement attristée. Les adultes qui accompagnent les enfants ont une noble tâche, celle d’éveiller les jeunes esprits et de les outiller avec patience, avec confiance. Nous ne pouvons pas transformer un rond en carré! Tous les enfants ne se développent pas de la même manière. Certains sont très concentrés et d’autres sont plus rêveurs. Il faut tenir compte de ces particularités et savoir valoriser chacun avec les aptitudes qu’il présente.
Un enfant peut mettre plus de temps avant d’être solide au niveau de ses acquis. Certains enfants, qui savent les règles de grammaire n’arriveront pas à les mettre en pratique avant la fin du primaire. Il faut en ce cas répéter, aider à développer la concentration et savoir encourager. Un enfant qui comprend et qui répète régulièrement saura écrire solidement au collège! Un parent Carré doit développer cet accueil qui permettra à son enfant de demeurer confiant en ses capacités d’apprentissage.
Chacun de nous doit s’ajuster aux enfants qui ne fonctionnent pas de la même manière que nous. D’ailleurs, dans la famille Tête en l’air, il y a la Maman Tête en l’air, le Papa Tête en l’air, le grand frère Tête en l’air, et on appelle le petit frère Tête en l’air… Mais il n’y en a pas… A la place, il y a Petit angoissé qui pleure et recommence quinze fois sa ligne qu’il juge mal écrite…
De là, la médicalisation de « l’échec scolaire » ou « quand l’enfance se voit qualifier de dyspraxie »…
Oui! Je n’ose jamais trop me prononcer sur le sujet car je n’ai pas une expérience personnelle là-dessus. Mais devant l’hémorragie de « dys » et de « HP » (sans nier non plus que ces problèmes peuvent exister) on peut quand même se demander à qui profite ce filon…
Un « rond » parmi les « carrés »… Si l’on prend le temps de se poser et d’y réfléchir quelques instants alors on peut s’apercevoir que cela incite à une approche différente. Un petit « rond » nous force à voir les choses d’une façon nouvelle, à nous ouvrir, à nous dépasser, à nous remettre en question. A nous les « carrés » d’arrondir un peu nos angles, il en va de l’épanouissement de tous en fait.
Tout à fait! Et je pense que dans la société du résultat immédiat apprendre aux éducateur la patience préviendrait bien des maux chez l’enfant.
Une seule méthode de travail pour une classe de 28 élèves ? Une seule façon d’expliquer ? Trois enfants pour ma part, 3 façons de faire : je me suis adaptée à leurs différences pour les conduire tous sur le même chemin. Sans envisager 28 méthodes pour 28 élèves, un peu de compréhension-patience pourrait beaucoup aider, le décrochage au collège reste important, il n’est pas le fruit du hasard et ne peut pas toujours être justifié par le manque de travail des élèves concernés…
J’ai eu aussi ce sentiment alors que je me disais « voilà, j’ai de l’expérience », de devoir affronter des situations différentes et devoir aborder autrement les mêmes notions avec des enfants qui ne fonctionnaient absolument pas de la même manière! 😉 Heureusement, dans une classe de 28, il n’y a pas non plus 28 profils différents! 😀
chère Brune,
je vous suis avec bonheur depuis plusieurs mois… merci pour tous vos partages!!
vous parlez d’aider un enfant à progresser en concentration… sur mes 3 enfants en IEF, j’en ai une qui avance très lentement à l’écrit faute de concentration alors qu’elle comprend extrêmement bien tout ce qu’elle fait et qu’elle a une excellente mémoire. j’essaie de limiter un peu l’écrit pour elle mais en CE2, il me semble qu’elle devrait progresser en « efficacité », ne serait-ce que pour profiter davantage des leçons plus intéressantes de l’après-midi au lieu de toujours finir ce qui n’a pas été terminé le matin. je ne sais pas comment l’aider! auriez-vous une piste?
Je pense que le CE2 est un moment assez crucial dans la scolarité de l’enfant au niveau du développement du « goût de l’effort ». A cet âge, les exercices s’étoffent et l’enfant doit fournir plus d’effort pour les effectuer. Il y a un dosage à respecter, effectivement, entre l’écrit minimal qu’on peut attendre d’un enfant de cet âge et la surdose qui entraîne le dégoût et le refus des exercices écrits. Une règle demeure: plus on s’exerce, plus on devient efficace… Comment s’assurer alors que l’on donne suffisamment pour cultiver l’aisance de l’écrit, mais pas trop pour éviter la surdose? Je trouve que le conseil de Catherine Huby est très intéressant. On peut le retrouver sur son blog dans cet article sur son livret CE2 (autour de la langue française) « Alors, pourquoi, en étude de la langue, pour ce travail d’exercice mécanique, de mémorisation pas à pas de notions simples, n’adopterions-nous pas le fichier ? Les élèves pourraient s’entraîner, s’exercer tout en gardant du temps pour l’écriture, la vraie, celle de la dictée et de la rédaction. »http://doublecasquette3.eklablog.com/ce2-fichier-d-etude-de-la-langue-1-a125823098 Je ne sais pas comment vous fonctionnez avec votre fille. J’ai bifurqué vers le livret cette année avec ma CE2. Cela lui permet d’écrire de manière ciblée et laisse le temps, comme le dit C. Huby, pour la vraie écriture: dictée, rédaction. Ici, j’ajoute également un petit exercice d’écriture en début de journée pour le soin.
L’idée derrière cela est également d’établir ce que représente le minimal. Je pense qu’en français, ce qui vient d’être évoqué peut représenter ce minimal au niveau de l’écrit. Certains préconisent l’oral principalement pour vérifier les réponses. Le but étant pour eux de vérifier que l’enfant a compris. A petite dose, pourquoi pas. Mais je pense que moins l’enfant écrit, moins il veut le faire. Alors, personnellement, j’utilise très rarement ce procédé: lorsqu’un enfant est fatigué, qu’il est convalescent…
Ce que je remarque c’est que l’humain recherche toujours l’efficacité. Et, il finit par mobiliser ses ressources pour diminuer le temps qu’il passe à une tâche. Donc, le temps qu’un enfant met en octobre pour effectuer son travail se trouvera fortement diminué en février!
Il est aussi important de travailler avec le temps. Dans une classe, la cloche sonne à une heure précise que le travail soit fini ou non on va en récréation. Nous pouvons avoir tendance à la maison à étirer ce temps (il reste deux exercices seulement, faisons-les avant la pause…), si bien que les heures s’étirent et les journées s’allongent. Je fais un peu cela en début d’année car je tiens compte qu’après l’été les enfants mettent plus de temps à effectuer leur travail (ils sont rouillés). Mais dans le long cours, il est préférable de mettre des balises et d’accepter que tout le travail ne soit pas fait et de passer à une autre activité. Le reste peut être fait le lendemain…
Donc, en résumé: établir un cadre minimal d’écrit que l’on attend de l’enfant et établir un temps raisonnable pour l’effectuer. 🙂
un immense merci d’avoir pris le temps de me répondre! merci pour ce que vous dites du CE2 qui est souvent présenté comme une « simple » année d’approfondissement du CE1: votre vision des enjeux de cette année m’éclaire!
j’ai effectivement opté cette année pour les cahiers de Mme Huby mais mêmes ces pages là nous prennent beaucoup de temps.
je crois que le souci que je rencontre avec ma fille est bien plus lié à sa personnalité qu’à ses capacités: la moindre info parasite qui frappe son regard ou ses oreilles la déconcentre et je ne sais comment l’aider à se concentrer et à maintenir sa concentration. je suis en train de me pencher sur les bienfaits de la méditation avec Calme et attentif comme une grenouille… on verra bien!
encore merci…
Au plan des « savoirs » oui, c’est un approfondissement, mais la pratique m’a amené à constaté que si on revoit les notions jusque là, on demande à l’enfant de développer davantage… ça n’engage que moi…
Pour les enfants de cet âge: il est normal d’être distrait et de préféré le jeu, le plaisir. Et le défi est justement de les aider à canaliser et encourager les efforts. Avec votre accompagnement, elle y arrivera 🙂