Un vieux manuel de préparation de dictées pour la sixième et le cinquième (de Galichet) offre une leçon sur l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir. J’ai bien aimé me remémorer l’histoire de cette règle qui donne parfois du souci à nos enfants.
Rappel de la règle:
Le participe passé employé avec l’auxiliaire « avoir » s’accorde en genre et en nombre avec le complément d’objet direct lorsque celui-ci est placé avant lui. Sinon, il reste invariable.
D’où vient cette règle?
Comment a pu naître cette règle d’accord du verbe avec son complément alors que le verbe ne dépend que du sujet?
Imaginons l’exemple suivant: « J’ai fini mes devoirs » . En ancien français, l’on aurait plutôt dit: « J’ai mes devoirs finis« . La place du participe passé « fini » a changé par rapport au complément d’objet direct « devoirs ».
Cette transformation s’est effectuée lentement au fil des siècles.
Selon la position du participe par rapport au complément d’objet direct, ce participe était senti ou non comme attribut.
- Placé après le COD, le participe était senti et accentué comme attribut et s’accordait avec le COD: « Aucun étonnement n’a leur gloire flétrie. » (Corneille)
- Placé avant le COD, le participe faisait bloc avec l’auxiliaire et restait invariable: « Il disait qu’un plaideur dont l’affaire allait mal avait graissé la patte à ce pauvre animal. » (Racine)
Aujourd’hui, le participe passé est placé généralement tout près de son auxiliaire. D’où la règle actuelle.
merci pour cette petite leçon d’historique de l’orthographe ! Tu es une mine de trésors à toi seule! Merci Brune !
Ah! Ah! Nous possédons ensemble des richesses que la magie du net nous permet de partager 🙂
J’ai eu autrefois une explication différente (ou du moins complémentaire) selon laquelle les moines copistes écrivant sous la dictée au mot à mot ne pouvaient anticiper la terminaison du dit participe si le complément était placé après. Lorsqu’ils en prenaient connaissance, et comme par économie ils écrivaient sans espace entre les mots, il était trop tard pour rectifier. D’où la règle: on accorde sous réserve que l’objet ait été donné avant.
Intéressant!
Le seul doute que me pose cette version tient dans le fait que les moines copistes n’écrivaient qu’en latin… J’ai essayé de chercher si l’ancien français a pu exister pour les moines copistes, mais je n’ai rien trouvé. Mais peut-être que quelqu’un de plus versé que moi dans le domaine pourrait confirmer ou infirmer.
Merci de ce partage. L’histoire d’une langue demeure toujours très intéressante 🙂
Pour autant que je me souvienne de mes cours de fac (ça remonte un peu, je l’avoue), les premiers écrits en langue vernaculaire datent du XIIe siècle, il s’agit surtout de traités pratiques et de littérature profane (Le Roman de la Rose par exemple) commandés par des bourgeois… Mais quant à savoir qui exécutait ces commandes, moines ou « simples » lettrés, hé bien je t’avoue que si je l’ai su : j’ai oublié! (Nous voilà bien avancées…) Si tu trouves la réponse tantôt, fais-moi signe!
Et merci à toi pour cet article qui nous donne l’occasion de creuser ce sujet effectivement passionnant! 🙂
Tiens, c’est très intéressant ! Merci, je n’arrivais pas à trouver d’information sur ces langues vernaculaires écrites… Et tu m’as appris que les moines écrivaient aussi sous la dictée 🙂 J’en étais restée aux moines qui, bien que sachant écrire, beaucoup ne savaient pas lire… Un mythe s’effondre et la connaissance marque des points 🙂
Alors, il est probable que plusieurs versions puissent expliquer l’accord du participe ! De plus, les règles d’orthographe étant plus libres en ancien français, il y a pu y avoir plusieurs courants co-existants 🙂 Là, ici, ce que je dis est totalement gratuit évidement…
Merci pour cet éclairage que je ne connaissais pas.
J’ai toujours eu de la difficulté à me souvenir de cette règle. Grâce à vos histoires de moines copistes, je crois que je l’ai intégré pour de bon! Merci pour les petites histoires sur cette règle de grammaire. C’est fou tout ce qu’on apprend quand on fouille dans le Moyen-Âge!
Depuis, j’ai retrouvé encore une explication . Il semblerait que ce soit Clément Marot qui a ramené la règle de l’accord avec l’aux. avoir d’Italie:
http://heraldie.blogspot.fr/2012/10/clement-marot-et-le-participe-passe.html