J’ai ouvert une énième boîte de déménagement dans le grenier. J’y ai retrouvé avec bonheur les fiches d’activités que m’avait données ma belle-mère. Quand elle me les avait léguées, je ne réalisais pas le trésor que c’était. Je ne pensais pas les utiliser. Je les gardais cependant précieusement pour leur valeur sentimentale et historique. Comme je les relis avec un autre œil maintenant! Quelle richesse! Non seulement j’y trouve des cours et des leçons préparées par ses bons soins, mais j’y retrouve aussi sa formation, ses notes de cours, les découpures de journaux concernant des leçons issues du Journal des instituteurs ou de L’école libératrice, les programmes de grammaire de ce temps-là (années début cinquante)… C’est décapant et cela transforme totalement le regard sur ce que furent les années scolaires d’alors…
Une chose apparaît clairement en lisant ces fiches et articles: le vocabulaire y occupait une place majeure. Dès le plus jeune âge, on entrevoit par le vocabulaire toute la richesse pour les années d’instruction à venir…
Sur une découpure du journal L’école libératrice pour l’année 1953-1954, on y lit un article fort intéressant sur le « Langage avec les 5 à 7 ans ».
Nous pensons toujours que les exercices de langage à base d’observation, en particulier, sont absolument nécessaires pour faire progresser la pensée enfantine et que toute occasion de langage précis, toute invitation à exprimer des jugements doivent être saisies; cette fois, soit par la maîtresse, soit par les enfants dès qu’ils commencent à pouvoir lire;
Qu’il s’agisse pour les enfants de bâtir un texte d’après ce que la maîtresse aura lu ou de reconstituer un texte, par exemple quand ils sauront lire, ou de lire un texte eux-mêmes puis de l’utiliser pour raconter à leur manière un épisode du thème exploité, nous attacherons certes une grande exactitude à la précision du vocabulaire, mais plus encore à la qualité des structures verbales acquises puis utilisées par les enfants.
Un thème comme celui d’un voyage autour du monde nécessitera évidemment l’acquisition d’un minimum de vocabulaire technique, mais ce n’est pas par la richesse de celui-ci que nous mesurerons les progrès de l’enfant en langage, c’est par la variété de ses tournures de phrases, la souplesse de ses structures syntaxiques que nous saurons si sa pensée arrive à se formuler peu à peu et avec plus de finesse, de justesse, de précision et d’élégance.
Notre travail débutera, comme nous l’avons déjà dit, par l’utilisation de la relation de la relation du voyage de Le Toumelin autour du monde en 1949-52.
Pourquoi une relation de voyage réel? Parce qu’il apparaît que les enfants de 5 à 7 ans, -surtout les plus grands, -commencent à aimer les histoires « vraies » plus que les autres, leur pensée ayant besoin d’être nourrie d’éléments puisés dans le réel, – ce qui ne veut pas dire que nous renoncerons aux contes et aux légendes, mais ceux-ci resteront du domaine du divertissement. »
La suite de l’article (5 pages de feuillet) porte sur cette activité autour du livre « Le kurun autour du monde« .
Je suis frappée par le niveau des textes auxquels on soumet les enfants de cette époque. Contrairement à aujourd’hui, où trop souvent nous cherchons à rejoindre l’enfant dans ses intérêts, son monde, son niveau de compréhension, nous le tirions alors, vers le monde adulte, les intérêts de « grand », dans un monde inconnu de lui. Ce travail n’est pas sans rappeler la lecture de Laurence dans ses « Chroniques du poulailler » autour de Nicolas Vanier et « L’odyssée sibérienne« . Il existe encore aujourd’hui de grands récits réels qui peuvent rejoindre nos enfants. Plusieurs lectures d’hier et d’aujourd’hui peuvent être utilisées pour nos enfants!
L’importance du vocabulaire semble traverser toutes les matières d’alors. On précise sans cesse les termes précis à utiliser. Edifiant!
Wouah quel trésor en effet !!
Je suis frappée de la même chose. Avec celle de mes filles qui a maintenant 15 ans, j’ai utilisé en son temps, pour la progression formelle, les manuels Le Livre Unique de Français de Lucien Dumas (les rééditions de 1936), et le niveau de vocabulaire, l’importance de l’exigence culturelle, sont vraiment un pur bonheur !
Pour nager présentement dans les anciens manuels, je suis vraiment surprise par la sélection des textes de l’époque. Ils sont franchement d’un niveau vraiment élevés pour l’âge des enfants. C’est étonnant de voir à quel point, même pour moi qui veille à proposer des romans et des lectures avec un certain défi, à quel point certains textes demeurent de réels défis.
D’ailleurs, on réalise à quel point notre vocabulaire «du quotidien» est devenu pauvre… puisque plusieurs mots très simples en fait, deviennent inconnus à nos enfants.
Quelle réflexion nous devons tous faire pour la suite je trouve!
Tu as tout à fait raison! Je viens de finir de taper une leçon pour mettre en ligne: encore une fois, bien que le texte soit effectivement raconté pour un jeune enfant, la leçon de vocabulaire tirée de cela donne juste envie d’applaudir!
Ne trouves-tu pas dommage de voir à quel point on a perdu au fil du temps?
Soupirs…
L’école qui se targue d’offrir plus maintenant ( au Québec en tout cas) mais qui, au contraire, a pris un énorme recul quand on prend le temps de comparer!
Bonne journée Brune.
Même constat en France… Oui, c’est très dommage. Le plus rageant, c’est qu’on nous raconte qu’avant, nous gavions les enfants sans les faire réfléchir… Quand je plonge dans les préfaces de vieux manuels, et maintenant dans les notes de ma belle-mère, je m’aperçois qu’il n’en n’était rien.Tout n’était pas parfait. Il y a à redire sur l’évolution sociale (sexisme, racisme etc…). Heureusement, il y a eu une évolution avec le temps. Mais… on trouve des leçons tellement vivantes. Je compte bien en partager quelques une encore, pour rendre hommage à ma belle-mère et au travail de ceux qui nous ont précédés…
Bonne journée à toi aussi Sylvie 🙂
J’aurais bien apprécié fouiller dans cette boîte de ta belle-mère moi aussi 😉
C’est pourquoi je vais essayer de mettre en ligne certaines fiches ou certaines leçons. Quand je vois ses fiches, je me demande comment on a pu affirmer que les enfants étaient passifs dans leurs apprentissages « autrefois ».
Bonjour,
Nous avons beaucoup déménagé lorsque j’étais enfant et je n’ai qu’un cahier de primaire que j’avais caché, mon père jetant tout ce qui lui semblait inutile.
Mes enfants ont été étonnés d’y voir une phrase de morale que nous recopions tous les jours, les dictées et autres travaux.
je suis d’accord sur la baisse du niveau global, les livres pour la jeunesse, bien que plus nombreux ont une langue très pauvre.
Lorsque je m’en étonnais au primaire, lors des rallyes lecture, j’étais regardée comme une extra-terrestre.
Ma fille me dit qu’au lycée, la plupart de ses camarades doivent se faire expliquer des mots simples de la vie courante.
Son frère ainé, se faisait déjà reprendre par sa maîtresse de CE2 pour du vocabulaire que nous utilisions à la maison …