Les classes primaires, pour plusieurs enfants, pourraient se faire sans grand effort de leur part. L’intéret de leur apprendre à en déployer n’est donc pas destiné au résultat immédiat. Nous travaillons pour demain. Apprendre à se mettre au travail est au moins aussi important qu’apprendre à lire . La suite des études, peu importe le degré de douance de notre enfant, requiérera un jour du travail. A un moment, s’il faut lire un livre entier, l’analyser et produire six pages là-dessus, les facilités naturelles ne suffiront plus…
J’ai vu autour de moi beaucoup d’enfants qui réussissaient facilement en classe de primaire et même au collège (au moins dans les classes du début) et tomber en échec au fil des années . Ces enfants avaient tellement de facilité à apprendre qu’ils n’avaient aucun effort à fournir! Ils n’ont pas appris à travailler. Ils se sont découragés très rapidement devant les premières dificultés, car même faire l’effort de lire un énoncé qu’ils ne comprennent pas est au-delà de l’énergie qu’ils sont prêts à donner. Ecouter en classe peut les ennuyer. L’effort de focaliser son attention pour ingérer de nouvelles notions s’avère ennuyant… Au primaire, ces enfants pouvaient rattraper rapidement toute inattention. Au collège, cela devient moins évident… Un retard dans les matières s’installe. Et pour combler ce retard il faudrait travailler et faire un effort, mais, l’enfant n’a pas appris à en faire… C’est assez dramatique de constater l’échec chez plusieurs enfants doués… Dans l’article en lien, Arielle Adda préconise d’apprendre le sens de l’effort dès le primaire et de favoriser les exercices de mémoire ainsi que les méthodes de travail et d’organisation.
A la maison, nous avons une chance inouïe d’apprendre à nos enfants le goût de l’effort et les méthodes de travail. L’enfant qui a de la facilité et refuse le travail peut trouver sous notre toit une nourriture adéquate. Nous pouvons adapter le travail. Nous ne faisons pas travailler les tables de multiplication à un enfant hypermnésique qui les sait déjà! Mais, nous pouvons stimuler son sens de l’effort en lui donnant des multiplications plus complexes en calcul mental par exemple afin qu’il puisse lui aussi avoir à fournir un effort.
Pour l’enfant qui rechigne à écrire et qui a souvent une bien mauvaise calligraphie, nous pouvons l’amener graduellement à écrire. Sil apprend par ailleurs facilement, cette difficulté à écrire peut être son salut! Sauf problème moteur de sa part, apprendre à écrire est un merveilleux outil pour développer son sens de l’effort. Et c’est justement de quoi a besoin cet enfant. Il ne faut surtout pas renoncer sous prétexte que l’écriture est la science des ânes. Nous ne sommes plus au Moyen Âge , à l’heure des copistes qui ne savent pas lire! L’écriture en tant que telle n’a pas tant d’importance (quoique!), son intérêt se révèle surtout dans la possibilité de travail qu’elle offre!
Pour l’apprivoiser à cet exercice auquel il est rébarbatif, il faut y aller graduellement. Au départ, dans les petites classes, une seule ligne peut suffire. Mais une ligne dans laquelle il a mis toute son application dans le soin, toute son attention à éviter les fautes d’orthographe. Cette ligne quotidienne minimale est le début du goût de l’effort. Le point d’appui sur lequel on peut l’amener à développer du « plaisir » à faire un effort. Au départ, cela sera sans soin. Inutile de lui faire recommencer jusqu’à ce que ce soit plus soigné. On évalue son travail avec lui. Et le lendemain, on lui demande à nouveau d’être soigneux. Cela peut mettre plusieurs jours avant de voir une différence tangible. N’ayons aucun ouvement d’humeur. Soyons juste ferme dans notre exigence et encourageant. A un moment, la différence sera là et on pourra alors lui montrer les pages précédentes et comparer avec son écriture du jour. L’effort se verra récompensé par une amélioration visible. Et c’est toujours émouvant de voir jaillir la fierté sur le visage de notre enfant. Au départ, soyons réalistes. Guettons les premiers signes visibles qui l’encourageront à continuer: « As-tu vu comme ton « F » majuscule est bien écrit? »
Je remarque que nous sous estimons beaucoup la capacité à travailler de nos enfants. En voyant un exercice dans lequel il est demandé de recopier l’énoncé ou le tableau on se dit : « c’est trop long! On lui demande de recopier l’énoncé. Pas la peine, je vais juste lui demander de faire l’exercice directement. » Nous sommes ici coupables. Nous croyons que seul l’apprentissage de la matière compte. Un enfant qui a de la facilité devrait écrire l’énoncé, car c’est sans doute le travail le plus difficile qu’il aura à faire. L’exercice en lui-même, il le comprendra rapidement! Et l’enfant pour qui c’est moins facile bénéficiera, lui, d’écrire l’énoncé. Le fait de l’écrire lui donnera l’opportunité de cibler ce qui lui est demandé…
Plus on travaille, plus notre capacité de travailler augmente… Il faut oser augmenter raisonnablement la cadence quand le rythme est pris. Durant deux ans, j’ai inscrit mes enfants aux cours Saint Anne. Quand j’ai vu la somme de travail en début d’année, j’étais réellement découragée. La première semaine, on terminait à 18 heures. Dès la deuxième semaine, mes enfants avaient augmenté leur efficacité, et on finissait à 16 heures. Puis, nos journées ont pris un rythme plus normal à la troisième semaine. Incroyable, en trois semaines, mes enfants travaillaient le double de ce qu’ils faisaient avant! Je ne dis pas que c’est ce qu’il faut faire: travailler autant. Nous avons changé de cours par la suite, car nous ne pouvions plus rien faire d’autre en dehors de cela, mis à part la musique et le sport. Nous ne regrettons cependant pas ce passage et en gardons un bon souvenir! Je peux vous assurer qu’après un tel régime, mes enfants ne rechignent absolument pas devant le travail!
Le sujet est vaste! Je vais vous partager très bientôt un dernier article sur la façon différente de développer le sens de l’effort.
Vos réflexions sont une bouffée de « bon sens » rafraîchissante dan les délires « pédagogisants » qui se donnent libre cours en ce moment. Vos observations sur l’importance du « cadrage », par ex., qui sécurise, loin d’ennuyer, sont encore tout à fait valables pour le lycée. Votre « début » de journée avec une phrase m’a rappelé un de mes vieux profs de lettres en 5-4ème qui, à chaque début de cours nous faisait écrire un « beau vers » et l’on prenait 5 minutes pour en parler, résultat… j’adore la poésie… et suis devenue prof !!!
J’ai tout particulièrement apprécié vos remarques sur « la pédagogie de l’encouragement » en cette période où l’on lance toutes sortes d’idées idiotes sur « les notes »… Le problème n’est certainement pas la note en soi, qui serait remplacée par lettre, gommette, étoiles… ou je ne sais quoi…mais d’amener, même des tout petits (et leurs parents !!), à mesurer leurs progrès, donc de prendre des moments de « retour en arrière » pour faire observer, non pas ce que l’on rate encore, mais ce que l’on fait mieux, même la graphie d’un F ! D’où l’importance qu’il y aurait, au lieu de ces heures de « soutien » et « sur-soutien », si pénibles pour des élèves qui ont déjà du mal, et fort peu efficaces en fait, de pouvoir disposer d’une heure-semaine avec 1/4 de la classe pour faire faire, une fois par mois, un bilan sur « qu’est-ce que je réussis mieux ? » Mais sans doute est-ce trop « simple » pour nos têtes pensantes !!
La dernière remarque qui m’a laissée rêveuse est cette fameuse différence filles-garçons… Je n’ai pas l’habitude des petits du primaire (je ne les ai « pratiqués » que 2 ans en CE2 dans mon jeune âge !) mais au collège, elle est flagrante, et au lycée cela tourne à une vraie caricature, et aussi bien à l’écrit qu’à l’oral ou dans le comportement en classe. Ecriture (donc copies) beaucoup plus soignée pour les filles, donc forcément valorisation « inconsciente » du prof qui a moins de mal à déchiffrer et à corriger, aptitude à la concentration plus longue, donc moins de pbs. de discipline, volonté de « bien faire » plus affirmée, donc, là encore, le prof, « inconsciemment », a plus de plaisir à aider… même l’occupation de l’espace diffère : un garçon assis en classe bouge plus, la trousse tombe, le stylo valse, la jambe vibre, la page se froisse… c’est souvent comique ! En revanche, la participation orale des filles, encore très active au collège (cela apparaissait sur les bulletins que nous recevions au lycée), s’efface peu à peu dès la 3ème et encore plus au lycée… Cela vient-il vraiment de la façon dont la société « formate » les filles et les garçons, des « stéréotypes de genre » dont on parle tant aujourd’hui, qui, à partir de la relation entre eux, conduirait à cet écart au collège ? Ou bien cela renvoie-t-il à bien plus profond, à cette conscience « innée » d’être de futures femmes pressenties comme porteuses de vie ? Je me suis souvent demandée, paradoxalement, s’il y avait un moyen de rendre les filles « moins attachées à l’effort », « moins appliquées », et les garçons « plus attachés à l’effort » et « plus appliqués »… mais je ne l’ai pas trouvé !! Car, si on peut agir sur le « plus », comment agir sur le « moins » ? Or il me semble qu’il le faudrait, pour ne pas que tant de femmes adultes se sentent toujours « inférieures » par rapport à un idéal de perfection qu’elles posent, jusqu’à s’en culpabiliser…
Remarque fort juste sur ces comportements filles-garçons… Je n’ai pas de réponse non plus. J’ai eu deux de mes fils avec « 2 » de tension au lycée; Et la semaine dernière, ma fille au lycée s’est fait dire par ses professeurs (fort justement) de déstresser! Elle veut tellement bien faire!!! Si mes fils avaient pu avoir un peu plus de stress et ma fille moins! Mais justement, c’est l’exigence qu’elle se met qui la mène à stresser pour ses études. Elle a bien ri et a compris ce que ses profs voulaient dire! C’était d’ailleurs dit avec bienveillance… Mais arrivera-t-elle à « moins » exiger d’elle-même? car de cela dépend son stress au fond… Enfin, on tente de la rassurer et de l’y aider mais après…Vous voyez fort bien les tendances fâcheuses qui peuvent en découler… Inné? acquis culturellement?
L’enfant que tu décris, eh bien, c’est moi! J’ai toujours eu de la facilité en classe jusque vers la fin du secondaire où ça s’est gâté car il fallait que j’y mette un effort que je n’avais pas appris à faire. Et ce n’est pas parce que je n’avais jamais fait de travaux qui demandait beaucoup de travail. Je me souviens des travaux que je faisais au début du secondaire où il fallait que l’on fasse nos encadrés à la main car il n’y avait pas d’ordinateur à l’époque! Faire des cadres à 3 cm de chaque côté sur une dizaine ou une quinzaine de pages, vous imaginez que ça en prenait du temps.
Étudier 10 minutes pour un examen le lendemain, c’était amplement suffisant! Tandis que certaines de mes amies terminaient d’étudier à minuit pour avoir des notes semblables aux miennes!
Je veux moi aussi que mon fils apprennent la musique pas pour en faire un virtuose mais pour la discipline que ça apporte au niveau personnel. C’est une structure interne qui va servir toute la vie. Comme je ne l’ai pas, je dois faire de grands efforts pour finaliser chaque projet que j’entreprends, c’est une lutte de chaque instant avec moi-même.
Merci de ton témoignage Therry! Je pense qu’avec ton fils, forte de ton expérience, tu seras à même de faire des choix qui le guideront bien 🙂
Chere Brune,
Je te remercie pour tous tes articles remplis de bon sens. J’ai un garçon doué de 13 ans qui a beaucoup de mal a se mettre au travail. Il a besoin de fournir très peu d’efforts pour réussir mais il a parfois du mal a se motiver pour fournir ce tout petit effort. Et ses résultats chutent dramatiquement. Il ne s’en soucie guère car il sait qu’il réglera le problème avec un tout petit effort passager. Je réfléchis a le scolariser a la maison l’année prochaine et seulement pour une année pour lui donner justement une habitude d’effort constant a fournir. Je compte être très exigeante avec lui car ces professeurs ne le sont pas suffisamment. Aucun de ses professeurs ne se rend compte a quel point il est doué et pourtant, que de fois mon fils a pu les surprendre avec quelques notes excellentes alors qu’elles sont très médiocres en temps normal. Cela est un signe qui ne devrait pas manquer de les alerter. Mais non. J’ai conscience d’être la seule a pouvoir l’aider. J’ai cependant peur que, scolarisé a la maison, il n’accepte pas très bien de travailler ainsi avec moi. J’ai peur que ce que je pense être une bonne idée ne se déroule pas comme je le prévois. J’ai également la crainte que cela ne perturbe l’instruction de mon autre enfant scolarise a domicile depuis toujours. J’aimerais beaucoup connaitre ton avis sur cette question difficile.
Ah! Si nous pouvions avoir une boule de cristal… Je pense que sans pouvoir donner une réponse, je peux sans doute vous aider à discerner un peu en vous donnant des questions auxquelles vous pourrez réfléchir… La première question à cette âge est sans doute ce que lui en pense de l’idée d’être en IEF. Au primaire, les enfants se fient volontier à notre décision. Au collège, nous devons compter sur leur coopération. S’il partage ce désir, vous aurez déjà une meilleure collaboration de sa part. Ensuite, au niveau amis, comme il est habitué aux groupes classes, pourra-t-il garder contact avec ses amis? Pourra-t-il s’en faire autrement? A cet âge, cela commence à être plus important. Mes enfants ont eu la chance de toujours pouvoir de faire des amis en dehors du système scolaire.
Il faut savoir que lorsqu’on retire un enfant qui a toujours été scolarisé, l’expérence montre qu’il faut une certaine période tampon pour que cessent les réflexes qu’il a appris en classe. Et si vous lui annoncez (je ne dis pas que c’est le cas!) que vous le retirer pour le faire travailler davantage, il y a de fortes chances que le programme ne lui plaise pas vraiment s’il n’aime pas faire d’effort! En fait, cela demande du temps afin qu’il retrouve le plaisir et la curiosité d’apprendre! Qu’il n’a pas à faire un travail pour la note (donc son minimum puisqu’il a des facilités), mais parce que c’est intéressant et passionnant d’apprendre !
Je ne sais pas si je réponds clairement à votre question?
Merci pour votre réponse. Oui bien sûr je me pose toutes ces questions et il n’est pas évident d’y répondre. Il existe un risque certain. D’un autre côté, je pourrais lui permettre de prendre goût aux études en lui donnant des projets qu’ il pourrait gérer lui -même et nous pourrions avancer plus vite sur le programme aussi sans passer par trop d’exercices répétitifs. Par contre, je serais exigeante sur le soin apporté au travail écrit. Je vois les avantages mais aussi beaucoup d’inconvénients. Alors j’hésite. Heureusement, il me reste quelques mois avant de prendre ma décision (et essayer de le convaincre). Les enfants doués peuvent être si découragés par l’école. Quel gachis!
Le temps aidera à mûrir la décision. C’est heureux de prendre ce temps de réflexion et de ne pas se lancer tête première . Mais c’est sans doute car vous avez déjà un pied dans l’IEF avec votre autre enfant. Vous savez déjà tout ce que cela implique. Votre programme d’action semble intéressant. S’il se laisse convaincre, il pourrait en tirer bénéfice: ça nous les savons! Bonne journée 🙂
Que ce sujet est intéressant !!! Bravo pour tes articles ! Je me retrouve dans ta pratique ; l’expérience aide c’est certain !! Et il beaucoup plus facile de se laisser aller à a facilité que d’oser faire le moindre effort… Que de valeurs perdues si l’on y prend pas garde. Merci pour ce partage.
Merci à toi Sab pour ton message 🙂
Question de détail… Je vois sur la photo que ton enfant tient son stylo d’une manière que je qualifierait de peu orthodoxe, si je puis me permettre ! Faut-il insister auprès de mes enfants pour qu’ils tiennent leur stylo en posant le pouce sur le stylo ? L’aînée (6ème) l’a toujours tenu ainsi, Ma CM2 comme sur la photo, je casse les pieds de mon CE2 depuis 3 ans mais dès que je ne suis plus là il le tient comme sur la photo, et ma CP fait à peu près pareil !!
Cela a-t-il de l’importance d’après votre expérience et connaissance sur le sujet ?
Amaëlle
Que te dire Amaëlle. Il s’agit de ma fille qui est maintenant au lycée… Je crois qu’elle était à l’arrêt sur la photo, donc, non en train d’écrire. Il me semble qu’elle le tient plutôt bien en temps ordinaire. Avec mes quatre dernières, j’ai insisté beaucoup sur la tenue du stylo/crayon au début (les trois ou quatre premières années).Est-ce indispensable? Je ne le sais pas… J’ai été moins encadrante avec mes aînés… Certains d’entre eux le tiennent de manière assez peu orthodoxe (un troisième doigt, le majeur, se greffe au stylo)… Je dois dire que cela ne semble nullement les gêner… Ils écrivent beaucoup! Bien que maintenant ils écrivent également davantage à partir du clavier…
A la fin du cours primaire, j’ai l’impression que ça devient très difficile de faire changer l’enfant … Je surveille donc mes plus jeunes plus jusqu’au CM… Mais une spécialiste de la question (que j’avais lu il y a deux ans ) a publié ceci, qui te donnera un avis de spécialiste et qui assure qu’en deux séances, on peut rééduquer la bonne prise d’un crayon: http://www.tilekol.org/la-problematique-de-la-tenue-du-crayon-echange-avec-daniele-dumont
Merci beaucoup, Brune. Ma question vient du fait qu’effectivement ma CM2 est plus lente pour écrire et se fatigue plus vite. Et donc j’insistais auprès des plus jeunes sans savoir si c’était opportun ou non de mettre l’accent là-dessus. Je vois que le point de départ pour un changement est que les enfants comprennent que c’est a priori moins fatigant pour leur main et leur bras. Je vais sans doute faire quelques séances explication de l’intérêt + exercices, ne serait-ce que pour sortir de l’ambiance « bien de tenir son crayon ainsi – mal de tenir son crayon autrement ».
Amaëlle
Il y a des conseils intéressants dans cet article. Et je pense que tu as raison de les y amené dans leur intérêt 😉