Le magasine Psycho et cerveau de ce mois-ci (janvier-février 2014,n°61) est fort intéressant du point de vue pédagogique. On y traite de tout un dossier sur le « temps » et combien aujourd’hui « tout va trop vite ». Un des articles en page 40 s’intitule « Réapprendre à attendre » . Je le trouve fort intéressant pour nous parents-enseignants. D’entrée de jeu, l’article commence avec l’approche du pédagogue Reuven Fueurstein et ses outils de remédiation des années ’80. Sa phrase phare « Une minute, je réfléchis! » se voulait un garde fou contre l’impulsivité: « l’impulsivité mentale ou la prise d’information trop rapide sont à l’origine de nombreux dysfonctionnements opératoires ou cognitifs. Celui qui ne prend pas le temps d’évaluer une information et d’y réfléchir risque de commettre de nombreuses erreurs de raisonnement… »
N’est-ce pas d’actualité pour nous qui devons enseigner à nos enfants dans ces années de l’immédiateté?
L’article se poursuit : « Celui qui n’accepte pas le « conflit cognitif » que lui pose un problème nouveau auquel il est confronté manque inéluctablement de critères pertinents d’évaluation et risque de se tromper, d’échouer. C’est donc la lenteur qui est recommandée: il ne s’agit pas de trouver instantanément une solution à toutes les difficultés, mais de chercher à refréner sa propension à réfléchir trop vite, à toujours vouloir synthétiser ou conclure quand le réel exige distance, réflexion et stratégie… A contrario, les stimulations du progrès scientifique, avec l’outil informatique, nous apprennent à penser et agir de plus en plus rapidement. »
Je crois que beaucoup des frustrations que rencontrent nos enfants dans leurs apprentissages peut venir de ce seul fait: l’immédiateté! On cherche une réponse sur un sujet? On tape Wikipédia et , hop! on trouve la réponse! Lui demander de prendre le temps de réfléchir, le temps d’écrire, le temps de trouver et d’utiliser une bonne méthode est souvent au-dessus des forces d’un enfant qui n’a pas appris à contrer ces frustrations. Nous n’apprenons plus aux enfants à fournir un effort . Par exemple, recopier un paragraphe semble parfois représenter un effort surhumain, car bien souvent tout leur est copié sur une feuille qu’ils n’ont qu’à découper et coller dans leur cahier… Prendre le temps, mais comment?
L’article nous livre quelques pistes intéressantes pour travailler en ce sens. Il nous faut retrouver des activités, des situations qui permettent à nos enfants d’apprendre à attendre. L’idée d’un potager où l’on fait l’effort de cultiver des légumes et qu’il faut après attendre la récolte est classé dans les bonnes activités à proposer à des enfants. Ne pas leur acheter immédiatement ce qu’ils désirent mais les inviter à économiser pour atteindre un objectif est très sain. On propose aussi de réduire les temps d’actions, pour laisser plus de temps pour rêver et penser. Oui, seulement penser! Cela semble ridicule mais aujourd’hui, les enfants sont si impliqués dans des activités qu’ils ne disposent de presque plus de temps pour seulement penser, s’ennuyer à la limite… Donc, pour introduire la réflexion, il est important d’apprendre à patienter.
Apprendre à patienter car la réflexion mûrie demande de la patience. Or, nous ne valorisons pas assez la lenteur. Nous valorisons en contre partie beaucoup la rapidité. Un enfant qui trouve vite est un enfant « vif », « brillant ». Ces mêmes enfants si « vifs » sont ceux-là mêmes qui peinent le plus devant l’effort, la réflexion… Tout processus d’apprentissage ne peut être rapide! Un enfant doit savoir se poser et réfléchir. Il doit ensuite accepter la frustration qu’il ne saura pas du premier coup. Nous aussi, d’ailleurs! Nous devons nous-mêmes, comme enseignants, accepter que nos enfants ne sauront pas tout du premier coup. Nous habitons la même planète que nos enfants et nous aussi sommes soumis au contexte de l’immédiateté Ne nous décourageons pas quand notre enfant ne comprend pas. Il a parfois besoin de beaucoup de répétions, de façons différentes d’entendre le problème, d’exercices et de pratique avant de maîtriser une notion. Sachons être des enseignants patients…
La pédagogie du « apprendre est toujours un plaisir » nous conduit tous à croire que pour notre enfant toute frustration, tout effort est inutile. Au contraire! Nous maintenons nos enfants dans un état bien en-deçà de leurs capacités quand nous cédons devant leurs crises quand ils ont à faire un effort. Même un enfant qui sait a besoin de développer un certain goût pour l’effort… Car pour accéder à un meilleur savoir cela demande plus de travail… Et c’est ainsi qu’il se dépassera. Car grandir demande de se dépasser à partir de ce qu’il est!
Enfin, le propos de l’article dans la revue est aussi d’apprendre à gérer les crises de plus en plus fréquentes de colère que les générations actuelles connaissent en raison de la vie qui demande une réponse rapide dans tous les champs. Intéressant!
Pour nourrir notre réflexion sur le sujet, le livre de Carl Honoré « Eloge de la lenteur » est une bonne entrée en matière pour nous adultes…