On m’a souvent dit: « Moi, je ne pourrais jamais enseigner toute la journée à mon enfant car juste avec ses devoirs déjà je n’arrête pas de lui crier dessus. Je n’ose pas imaginer si je devais rester toute la journée avec lui à lui transmettre l’école. Je n’ai aucune patience. » Combien de personnes m’ont aussi dit que moi, je pouvais enseigner à la maison, car je suis naturellement patiente et zen. On ne m’imagine pas fâchée…
Je peux vous dire que mes enfants, eux, n’ont aucun mal à m’imaginer fâchée. Ils savent très bien que je peux me mettre en colère! La colère est une émotion comme une autre qui a parfois besoin d’être exprimée. Tant que notre colère sert à exprimer une insatisfaction de notre part et reste dans des proportions « convenables », cette émotion demeure acceptable. Mais qu’est-ce qu’une colère acceptable?
Je crois qu’il est bien impossible de ne jamais se mettre en colère pendant que nous éduquons notre enfant. Et ce serait même inquiétant à mon avis qu’une personne n’exprime jamais l’irritation qu’elle ressent. Car vivre auprès d’un enfant est parfois épuisant, ou nous pousse souvent à bout! Mais si les colères sont fréquentes et presque notre seul mode de relation avec notre enfant, il est clair que nous dépassons les limites de la colère acceptable…Je ne sais pas s’il est possible de ne jamais se fâcher en éduquant un enfant, mais je sais que l’on peut vraiment apprendre à gérer sa colère. Et pour un parent enseignant c’est vraiment primordial car un enfant aura du mal à se canaliser sur un apprentissage s’il est stressé. La colère d’un adulte est stressante pour un enfant. Elle peut être appropriée dans plusieurs sphères de l’éducation d’un enfant quand celui-ci a un mauvais comportement. Mais un enfant qui ne comprend pas, ou qui ne réussit pas un exercice ne le fait jamais parce qu’il veut mal agir… Donc, toute colère en lien avec sa capacité à apprendre est inappropriée. Ceci vaut pour le parent enseignant, pour le parent qui fait faire les devoirs à son enfant ou le professeur qui enseigne une notion à son élève.
Il faut distinguer dans la classe ce qui relève du mauvais comportement et ce qui relève de l’apprentissage. Un enfant qui perd son matériel, qui ne le respecte pas, qui s’excite plutôt que de travailler, ou qui nous répond insolemment à notre demande de se mettre au travail a un comportement qui peut nous mettre en colère. L’idéal en classe serait de ne pas se fâcher, mais parfois certains enfants ne comprendront pas la limite autrement. Si nous perdons « contrôle » mieux vaut que ce soit bref! Et arrangeons-nous pour reprendre rapidement comme si de rien n’était…Un ton s’est élevé, a dit le message clairement et on passe à autre chose. Mais si nous perdons nos moyens, il vaut mieux envoyer l’enfant dans sa chambre et nous-mêmes sortir de l’endroit dédié au travail scolaire. Cet endroit devrait idéalement rester un lieu de calme, de paix, de sueur certes, mais de joie le plus souvent possible, et surtout pas un lieu de cris…
Mais nous sommes de pauvres humains et perdons patience… Et j’ai aussi perdu patience au fil des ans en classe… malheureusement! Car nous ne sommes jamais fières de cela… Je me souviens combien je pouvais culpabiliser avec cela! La bonne nouvelle est que nous pouvons vraiment apprendre à gérer cette émotion. Après toutes ces années d’enseignement, je peux affirmer que je ne me fâche plus (ou rarement) en classe. Je précise bien: en classe! (en dehors de cela il m’arrive de me fâcher et j’accueille cela comme une de mes nombreuses émotions qui vivent en moi!!! Je ne suis pas une mère parfaite loin de là ).
Au cours d’un apprentissage, nous ne devrions jamais nous fâcher cependant. C’est contre-productif. Crier après un enfant qui ne comprend pas ne va qu’empirer la situation. L’enfant VEUT comprendre mais n’y arrive pas! Un enfant qui stresse n’arrive plus à réfléchir, il n’arrivera donc pas à comprendre à ce moment là.
Il est important de faire le point en soi pour comprendre, si cela est notre cas, pourquoi nous nous fâchons quand notre enfant ne donne pas une bonne réponse. C’est parfois contextuel: s’occuper à plein temps d’un tout-petit de moins de trois ans est drainant et j’ai remarqué que je me fâche bien moins depuis que ma dernière a dépassé ses trois ans. Sommes-nous pressée? Nous avons un rendez-vous après et nous espérons que l’exercice de l’enfant va être accompli avant, et nous n’avons pas le temps d’expliquer… Il vaut mieux s’arrêter là et reprendre après. Demander à l’enfant un travail différent dans l’attente de partir.
Parfois nous pouvons nous fâcher car la notion qu’il ne comprend pas n’est pas très claire pour nous non plus… cela nous renvoie à plus de travail pour nous pour bien nous-mêmes comprendre afin de bien expliquer. Nous pouvons aussi nous fâcher tout simplement car nous nous sentons impuissantes devant son incompréhension et nous n’avons pas d’autres idées comment lui expliquer…
Parfois, c’est aussi dû à l’image que nous avons de notre enfant. Notre enfant a le droit de se tromper, de ne pas savoir, de bloquer sur une notion. Mais peut-être le compare-t-on: son frère faisait cela sans problème, son cousin réussit partout: pourquoi pas lui? D’habitude il comprend, pourquoi cette fois ça n’avance pas: serait-il moins intelligent que je ne le pensais? Ou, cet enfant contrairement à nos autres enfants comprend tout, va-t-il commencer lui aussi à ne pas comprendre comme ses frères et je vais revivre ces mêmes galères? Notre enfant peut être très intelligent mais avoir des difficultés avec une notion… Cela arrive!
Il est important de bien identifier d’où vient notre impatience lorsque nous devons travailler les apprentissages avec notre enfant… Quand cela est bien identifié, quand nous comprenons que l’enfant devant nous va se bloquer si nous nous fâchons, nous commençons vraiment à être capable de gérer cette émotion! Quand la moutarde nous monte au nez et que nous sentons que nous ne pourrons pas nous contenir, changeons de matière! Prenons une pause. Revoyons la notion à transmettre seule au calme et trouvons un moyen de lui expliquer autrement le lendemain… Internet est rempli de ressources à ce niveau!
Méfions-nous quand la veille notre enfant comprenais tout et le lendemain il semble avoir tout oublié. Ce n’est pas de la mauvaise volonté de sa part. Il ne le fait pas exprès. L’enfant, et c’est parfois étonnant, peut oublier des notions qu’il savait avant. Il lui faut se la remémorer. Ou parfois, oui, il comprend sur le coup, mais, en mathématique notamment, la compréhension sur le coup a besoin de beaucoup, beaucoup d’automatismes pour bien « rentrer »!
Notre enfant devant nous n’a pas à être mieux ou aussi bon que le petit voisin. Il est là, sur un chemin unique qui est le sien, et nous sommes là pour le faire progresser. Notre tâche consiste à l’encourager, et à lui faire prendre confiance en lui. Et nous devons avoir confiance en lui. J’ai eu dans mes rangs des enfants qui ont eu des départs laborieux et qui ont vraiment été de bons élèves par la suite… J’ai eu de brillants élèves qui ont eu des creux alors que je les croyais « infaillibles ». N’attribuons aucune étiquette! Acceptons l’enfant tel qu’il est sous nos yeux…