La fatigue de la mère enseignante… sujet tabou!


DSC02962Je dis la mère, car dans la grande majorité des cas, il s’agit de la mère qui enseigne. En dix-huit ans, j’ai vu une grande majorité de mères qui enseignent, parfois des parents (papa-maman) enseignant ensemble, temps partiel chacun, ou des papas qui épaulaient des mamans à l’occasion, mais à dire vrai, jamais de papa enseignant à la maison à temps plein alors que la mère travaille à l’extérieur. Mais peut-être cela existe-t-il, et si vous connaissez des cas, manifestez-vous à moi, pour accroître ma connaissance sur le sujet.

Oui, être l’enseignante de ses enfants nous permet d’entrer dans une fabuleuse aventure. Une amie à moi, avocate en droit internationale, amoureuse des voyages m’a confiée un jour qu’elle n’avait rien fait de plus fabuleux et passionnant que d’enseigner à ses enfants. C’est vrai, c’est un grand bonheur. Mais je dirais, il faut être fait fort!!! Oui, il faut être drôlement solide pour faire ce « métier ».

C’est un travail en continu… Nous sommes avec nos enfants, en charge d’eux non seulement en période de classe, mais après, et la nuit aussi! Bien sûr, quand on travaille à l’extérieur, on enchaîne souvent avec les enfants à la maison après le boulot, les devoirs, le repas, les bains. Et la nuit, on se réveille aussi pour calmer un cauchemar, soigner un enfant qui tousse. Mais en étant à la maison, il n’y a pas de coupure. Nous sommes en permanence dans notre milieu de travail.

Quand on est fatiguée, on se tait, car personne ne pourra comprendre qu’on est fatiguée et qu’on aime quand même ce que l’on fait. Si l’on est fatiguée, aux yeux des gens extérieurs, n’est-ce pas à cause de ce projet « trop » prenant qu’est l’école-maison? Quand on est fatiguée, notre conjoint peut nous écouter, s’il n’est pas en désaccord passif avec ce choix. On pourra le dire aussi à de bonnes amies faisant aussi l’école à la maison. Mais en dehors, nous ne trouverons pas de support. Pourtant loin de moi l’idée de vouloir me plaindre: c’est seulement une réalité de notre travail. Comme un médecin peut être de garde de nuit ou travailler 14 heures d’affilée en urgence…

Le manque de reconnaissance fait aussi partie d’une part de la fatigue. Je me lève très tôt pour mettre en route la journée. Je passe  un nombre incalculable de temps à planifier d’avance les cours. J’enseigne une grande partie de la journée. En fin de journée, le reste de la famille arrive et je dois passer aux tâches domestiques. Personne ne va se mettre à applaudir: je n’ai fait que « mon devoir ». Mais on peut se reconnaître à soi-même la satisfaction d’avoir bien accompli ce que l’on voulait faire… même si tout n’a pas été fait…DSC04414

Il est aussi usant  de ne pas être prise au sérieux… Vous n’êtes pas perçu comme une enseignante à part entière, mais perçue comme accomplissant un travail amateur, ne pouvant vraiment maîtriser le métier autant que ceux qui enseignent « pour de vrai ». Avez-vous déjà remarqué que dans les discussions entre adultes, votre opinion sur l’éducation ou l’instruction est tolérée, mais point crédité, car il vient d’une mère « excessive » au plan de l’éducation de ses enfants? Cela fait partie des retombées de l’école maison…

Vous êtes à la maison? Donc, vous aurez le temps de téléphoner pour régler les soucis administratifs, ou passez chercher un document chez l’opticien, ou répondre au téléphone. Dans les faits, oui, nous sommes là, et avons une flexibilité d’horaire qui permet de régler les points en extra. Mais combien de mères qui enseignent trouvent qu’ainsi cela perturbe leur vitesse de croisière avec leurs enfants en pleine « classe ». Enseigner à la maison restera toujours, même pour ses proches, une activité pas aussi sérieuse que d’occuper un poste ailleurs… Car si nous travaillions à l’extérieur, qui oserait nous demander d’interrompre notre boulot pour aller poster une lettre importante?

Pour poursuivre dans une telle voie, il faut être capable de se couper  et de refaire sa bulle au milieu de son environnement. La plupart des mères n’ont pas le luxe de sortir toutes les semaines seules. Et ce n’est pas forcément ce qu’elles souhaitent. Pour enseigner à la maison, il faut être capable de naviguer dans ces conditions.

avaPersonnellement, je suis capable de dire à mes enfants: « en ce moment occupez-vous, j’ai besoin de me retrouver seule avec moi-même, de m’évader un peu pour refaire mon énergie ». Mes enfants comprennent. Quand j’avais un bébé, j’attendais sa sieste, ou l’allaitais jusqu’à l’endormissement dans mes bras et me calais avec un livre, ou  naviguais  sur l’ordinateur. J’ai souvent visité ou reçu des amies au fil des ans, pour un après-midi « parlotte » pendant que les enfants jouent…

Toutes celles qui ont duré, ont traversé des périodes normales de fatigue et avaient le caractère, la force de se recréer au travers de cette noble tâche qui est la nôtre. Quand on choisit une telle « mission », il faut savoir que bien souvent notre réalité est celle-là. Sommes-nous faites pour cela? Et il n’y a pas de trophée après avoir répondu oui. On peut aussi ne pas en être capable: ce n’est pas un échec, seulement un constat qu’une autre situation est meilleure pour soi et pour ses enfants. Si l’on veut poursuivre et que la fatigue dépasse le niveau du seuil normal, alors il faudra s’autoriser à se faire aider. Comme toute personne qui peut avoir une fatigue professionnelle, il faut être capable d’en parler par exemple à son médecin. Car beaucoup de mères ne vont pas oser demander de l’aide par crainte d’être jugées…

J’ai traversé les ans et poursuivi, parce que je crois à l’utilité de ce que j’accomplis, et car j’aime être en compagnie de mes enfants, même dans les périodes de grosses fatigues. J’ai développé des façons de me reposer « autrement ». J’aime ce travail car enseigner est réellement une passion!Ete 2008 056 J’aime la flexibilité de la tâche, même quand elle m’oblige à m’interrompre pour régler une situation administrative (ce n’est pas tous les jours non plus!!!). J’aime ces yeux qui ont compris et qui s’illuminent: voilà la reconnaissance que j’ai appris à reconnaître et elle est plus importante que tous les certificats du mérite à l’employé ou les augmentations de salaire. J’aime quand par un après-midi de pluie, on prend le temps de lire ensemble près du feu, une tisane à la main: « Le vent dans les saules » que mes enfants ont envie de m’entendre lire. Aucun travail en fait, n’a de meilleures conditions à mes yeux…

A propos Brune

Mère-enseignante de 8 enfants. Site: grandirpresduchataignier
Cet article a été publié dans accueil, école-maison, IEF, Réflexions. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

9 commentaires pour La fatigue de la mère enseignante… sujet tabou!

  1. Sylvie dit :

    C’est plaisant de te lire Brune… Je me retrouve dans plusieurs de tes publications.

  2. Brune dit :

    Tant mieux! Merci! Mais c’est vrai aussi que je suis souvent en phase avec tes réflexions aussi.

  3. Bea dit :

    Superbe article…
    Ravie d’avoir trouvé ce blog.

  4. popounete dit :

    tellement vrai. Merci pour cet article.

  5. Brune dit :

    Dans nos choix « marginaux » il est parfois difficile de dire certaines réalités. Pourtant elles sont là, la fatigue aussi. Je pense que nous avons aussi le droit d’être fatiguée! 🙂

  6. claire-lise dit :

    ouah..je suis depuis quelques temps ton blog, j’apprécie beaucoup tes réflexions. Tellement vraie et dans lesquels, je me retrouve. Pour ma part, j’ai frisé le burnout…en raison de stress extérieure très forte, d’une nouvelle naissance et de luttes quotidiennes pour les faire travailler. Mais, à force de chercher, j’ai trouvé quelques solutions et je continue.

  7. Brune dit :

    Le risque de burn out est réel en IEF comme ailleurs, d’ailleurs. C’est pourquoi il faut , comme tu le fait, savoir aménager son temps pour se préserver!

  8. Ping : Un sujet qui peut tous nous toucher… | Association neuchâteloise du droit des parents à instruire leur(s) enfant(s) en liberté

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s